Jeux olympiques

Strike - Recueil d'articles


Les chantiers des Jeux olympiques de Paris 2024 : entre racisme et exploitation

Entretien réalisé par Strike. avec un membre de la Coordination des sans papiers de Paris (CSP75) lors de la journée de grève et d'occupation du chantier Adidas-Arena, le 17 octobre 2023. Cette mobilisation a pour objectif la régularisation de tous les travailleurs en situation dite irrégulière sur les chantiers des Jeux olympiques de Paris 2024.

Les travaux de construction de l’équipement sportif Adidas-Arena sont réalisés par Bouygues Bâtiment Ile-de-France. La maîtrise d’ouvrage (commande) est portée par la ville de Paris.

Aberration écologique et sociale, les chantiers des Jeux olympiques reposent en grande partie sur le travail de personnes en situation dite « irrégulière ». Les politiques racistes de contrôle des frontières, des circulations et des droits les empêchent de s’installer, de vivre et de travailler dignement. Le 17 octobre 2023, plusieurs associations et collectifs dont les coordinations de sans papiers de Paris (CSP75), du 20ème (CSP20) et de Montreuil (CSPM), les Gilets noirs, La Marche des Solidarités, Droits devant et la Confédération nationale des travailleurs – Solidarité ouvrière (CNT-SO) ont lancé une grève avec occupation du chantier Adidas-Arena à la Porte de la Chapelle à Paris (18è). Au même moment, la CGT lançait une grève avec occupation de plus de trente lieux en Île-de-France qui embauchent des travailleurs étrangers, dans les secteurs du nettoyage, de la sécurité ou du bâtiment. En quelques heures à peine, l’occupation du chantier Adidas-Arena a permis que les travailleurs obtiennent les documents de l’employeur nécessaires à leur régularisation. Lors de ce blocage Strike. s'est entretenu avec un membre de la CSP75, association qui lutte depuis des années pour défendre la régularisation de tous les sans papiers.

Strike : Est-ce que tu peux nous dire ce qu’il se passe ici ?

CSP 75 : Là, on est porte de la Chapelle sur un chantier des Jeux Olympiques qui doivent avoir lieu au mois de juillet et août 2024 et où la majorité des travailleurs sont des sans papiers ou exploités par des sous-traitants. On est très nombreux (une cinquantaine ici) et on est présent sur tous les chantiers des Jeux Olympiques. Surtout à Saint-Denis ou Porte de la Chapelle. Depuis deux mois on s’organise avec des associations et des syndicats comme la CNT-SO, la CSP 75, les Gilets noirs pour obtenir la régularisation des travailleurs sans papiers. Ici, il y a cinquante personnes qui nous ont dit qu’elles étaient sans papiers ce qui veut dire sans doute, plus, avec tous ceux qui ne nous l’ont pas déclaré. Les gens ont peur de le dire, de perdre leur travail, d’avoir des problèmes avec la justice. Depuis deux mois, on organise cette grève en faisant des réunions dans les syndicats ou les associations pour les informer qu’on va faire des grèves sans préciser les dates, les lieux.

Et depuis ce matin ?

Hier soir, on a annoncé à tous les sans papiers de ces associations (CSP, CNT-SO, Gilets noirs) de se trouver à 5h30 devant le chantier à la Porte de la Chapelle pour organiser la grève et le blocage du chantier afin que les patrons nous donnent des CERFA pour les gens qui travaillent ici mais aussi pour d’autres travailleurs sans papiers ailleurs. Beaucoup d’associations et de personnes sont venues en soutien pour nous aider dans cette grève et ce blocage. Il y a 150 personnes qui occupent à l’intérieur. L’objectif de cette grève c’est d’obtenir le CERFA auprès des employeurs pour régulariser notre situation avec la préfecture. Il s’agit d’un document administratif rempli par l’employeur qui demande auprès de la préfecture une autorisation de travail qui peut permettre d’obtenir une admission exceptionnelle au séjour. Sans ce document, la régularisation par le travail est très difficile à obtenir. Cela date de la loi Valls de 2012 : pour être régularisé, il faut avoir un travail et des bulletins de paie. Franchement, j’ai jamais compris ça : il faut avoir un travail pour être régularisé mais tu n’as pas le droit de travailler sans être régularisé… C’est la loi.

Travaux d’aménagement des abord de l’Adidas-Arena réalisés par Vinci Construction via ses filiales Eurovia, Valentin, Entreprise Jean Lefebvre et Frasnier. La maîtrise d’ouvrage (commande) est portée par l’aménageur Paris & Métropole Aménagement

Est-ce que tu pourrais décrire les conditions de travail sur ces chantiers ?

Tout le monde connaît les conditions de travail des sans papiers. Pas de droit au chômage, pas de vacances, si tu es blessé ou malade tu restes à la maison sans être payé, les heures supplémentaires ne sont pas payées, etc. Il y a des patrons qui savent très bien que si tu es sans papiers tu es un esclave moderne, ils profitent de la situation, ils te payent comme ils veulent, tu ne peux rien dire parce qu’ils peuvent t’arrêter quand ils veulent.

Quelle est la stratégie que vous avez adoptée et quelle est la suite ?

Il y a quelques semaines certains de nos collègues sans papiers sont allés voir les patrons pour leur demander de remplir les CERFAs et les patrons ont refusé. Six ou sept personnes ont déjà été licenciées sur ce chantier, il y a quelques mois pour avoir demandé leur cerfa. Les patrons ont fait semblant de découvrir qu’ils étaient sans papiers et ont refusé de remplir les documents. Ils les ont mis à la porte quoi. Donc la seule solution maintenant, c’est de bloquer les chantiers et venir faire des grèves. On ne reprendra pas le travail tant qu’il n’y aura pas de CERFAs pour régulariser tous les sans papiers qui travaillent sur les chantiers des JO.