Soulevons-nous - Journal collectif d’une lutte ouvrière (et pas que) 6/16

Nous reprenons la publication de notre feuilleton GKN. Cet épisode raconte la manif de 40 000 du 18 septembre 2021.

Journal - 18-23 septembre

18 septembre

La traçabilité des systèmes de transmission est fondamentale pour pouvoir remonter jusqu’au lieu de production, en cas de réclamations ou de problèmes. Le système de transmission est lié par son étiquette de traçabilité à un lieu physique et même précisément à la machine qui l’a produit. Et ce, parce que l’usine et la machine reçoivent une « homologation du processus ». L’usine de Florence est homologuée pour produire des systèmes de transmission pour les usines de FCA Melfi, Sevel, etc. Mais que se passe-t-il si l’on monte une voiture avec des systèmes de transmission qui ne sont pas produits à Florence, mais qui portent le même code que l’usine de Florence ? Comment peut-on remonter jusqu’au lieu de production ? Et si cela s’avère exact, de quoi s’agit-il ? D’une confusion ? D’une erreur ? D’un oubli ? Ou bien d’un forcing flagrant pour délocaliser silencieusement au cours des derniers mois la production des systèmes de transmission de l’usine de Florence ? Pendant ce temps, nous avons déposé une plainte auprès du parquet de Florence. Qu’ils jugent par eux-mêmes s’il est nécessaire de se pencher sur la question. Ce qui est certain, c’est que les ouvriers en lutte sont en mesure d’observer l’ensemble du processus de production et qu’ainsi ils sont les seuls à véritablement protéger le consommateur. Et cela est sûrement une autre leçon que nous pouvons tirer de l’affaire GKN.

18 septembre

La marche des 40 000. Quelle belle manifestation ! #soulevons-nous

Photo - Michele Lapini

19 septembre

Bonjour, ça, c’est une photo de la tête de cortège qui venait juste de partir, au niveau de la rue qui longe le quai 16 de la gare Santa Maria Novella. Au moment où la tête de cortège est arrivée au niveau de la Basilique de la Santissima Annunziata, le reste du cortège était toujours stationnaire, au niveau du quai 16, et ne pouvait pas bouger. Et beaucoup de personnes attendaient sur le bord de la route pour rejoindre le cortège, même seulement pour faire un kilomètre.

Photo - Michele Lapini

Quel que soit le nombre que vous en déduirez, à ce jour, en Italie, il n’existe aucune mobilisation comparable à celle-ci. C’est assurément la manifestation la plus importante depuis la crise de la pandémie. On a vu à ce moment-là des rassemblements de 500 anti-vax qui monopolisaient le débat public pendant des semaines. Nous savons que ça ne se passera pas comme ça avec cette manifestation. Car cette fois-ci il ne s’agit pas d’une plainte, mais d’une prise de conscience du rôle que nous sommes en train de jouer. Et, finalement, que vous croyiez aux 10 000 de la préfecture ou à notre estimation de 40 000 participants, les manifestations ne comptent pas seulement selon le nombre de participants, comme on pèse les patates au kilo. On parle d’une manifestation organisée par l’assemblée permanente d’une usine de taille moyenne, avec le soutien spontané et auto-organisé de ceux qui viennent de l’extérieur. Et cela en soi, c’est déjà historique. Vous vous êtes rendu un grand service en rejoignant la lutte.

20 septembre

  1. Ne vous avisez pas d’envoyer les lettres de licenciement.
  2. Melrose n’a plus aucune crédibilité. C’est à l’État italien maintenant de voir s’il veut être associé à cette perte flagrante de crédibilité.
  3. Nous décrétons d’urgence la suspension des procédures de licenciement en cours (223) pour nous et pour les autres luttes.
  4. Si le gouvernement ne propose pas un décret-loi anti-délocalisation, nous demandons de le faire remonter au Parlement. Le collectif d’avocats du droit du travail qui a répondu à notre appel a préparé un texte qui reprend les huit points approuvés par l’assemblée ouvrière.

20 septembre Ils nous disent que nous avons gagné le recours au sujet de leur conduite antisyndicale. Nous verrons quelles seront les conséquences pratiques. La balle revient, encore plus pesante, au gouvernement. Ne vous avisez pas d’envoyer les lettres de licenciement. Changez la loi tout de suite.

le cours de l’action de Melrose Industries après le verdict en faveur des ouvriers de GKN Florence.

La mobilisation continue parce qu’il n’existe pas de salut en dehors de la mobilisation. Et parce qu’il faut effacer trente ans d’attaques contre le monde du travail. Nous sommes en train d’apprendre tellement de choses de cette lutte. Nous commençons aussi à comprendre quelque chose de la finance. Et donc, si nous étions des actionnaires de Melrose, nous commencerions à penser que notre argent n’est peut-être pas vraiment entre de bonnes mains. Nous commencerions à diversifier nos portefeuilles. Que ce soit clair, ce n’est qu’une simple opinion [Le cours de l’action de Melrose Industries a fortement chuté à la bourse de Londres après le verdict en faveur des ouvriers de GKN Florence, NDLR]. Après tout nous ne sommes pas actionnaires. Nous sommes les ouvriers de GKN. Et c’est déjà beaucoup. Nous ne jouons pas à la bourse. Nous fabriquons des systèmes de transmissions.

Et ensemble #soulevons-nous.

20 septembre

Nous verrons bien si notre lutte sera anecdotique ou si elle marquera l’histoire. Mais nous marquerons l’histoire seulement en étant tous unis. Et tous unis, nous serons différents. En recevant le verdict qui annule nos licenciements, notre première pensée va à toutes les luttes en cours, pour tous ceux qui ont manifesté avec nous, pour ceux qui manifesteront avec nous. Nous avons seulement gagné un peu de temps et ce temps est nécessaire pour s’offrir un automne différent.