Une critique anticapitaliste de "La guerre des métaux rares", Guillaume Pitron, 2018

Compte-rendu critique d'un livre sur la place des métaux rares dans la transition énergétique et les technologies numériques.

Mine d'or de Twin Creeks dans le Nevada. Source : Geomartin CC BY-SA 3.0

Fin 2018, Guillaume Pitron, un journaliste d'investigation spécialisé dans la géopolitique des matières premières, publie après 6 années d'enquête un petit livre intitulé La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique. Il y présente la dépendance à ces métaux qu'entraînent le développement rapide du numérique et des énergies renouvelables, met en garde contre les impacts environnementaux causés par leur extraction, et explique comment l'État et les entreprises chinoises se sont assuré un quasi-monopole sur ces ressources.

Alors que l'urgence du remplacement des infrastructures fossiles par des énergies renouvelables se fait ressentir plus intensément chaque année, ce genre de travaux me semble essentiel à la construction d'une posture critique chez les militant·es écologistes. Méfiant·e quand à l'aspect racoleur de la couverture et la narration très journalistique, j'ai été rassuré·e par le fait qu'il ait obtenu le "prix du meilleur livre d'économie".

Au global, ce livre est un excellent recueil de chiffres et de graphiques impactants, mais les conclusions qu'en tire l'auteur témoignent d'une grande ignorance de l'écologie politique et des sciences sociales. De plus, le propos général tend à défendre le capitalisme, la croissance et le colonialisme. Au vu de l'influence qu'il pourrait acquérir dans les milieux écologistes critiques de la transition énergétique, il me semblait important de mettre en lumière les confusions, les erreurs factuelles, les préjugés racistes et classistes dont ce livre est rempli.

J'écris ces critiques en étant conscient·e qu'il a été publié fin 2018, et que certaines des choses qui me semblent aujourd'hui évidentes ne s'étaient pas imposées dans le débat public de manière aussi claire. Et malgré tout je conseille la lecture de ce livre, parce qu'il rassemble beaucoup de connaissances importantes pour la construction d'une société alignée avec les limites planétaires. De plus, la colère qu'il me causait m'a incité·e à faire des recherches supplémentaires pour affiner mes propres conclusions.

La première partie de ce texte réarticule sommairement les principaux enseignements que je tire du livre, et la seconde présente ses limites.

Apports du livre

Définition des métaux rares

Le livre permet de comprendre que l'appellation "métaux rares" n'est pas une concept physique, mais une manière de dire que certains métaux sont difficile à extraire dans un contexte donné (social, technique, économique, géopolitique). On retrouve ainsi dans les rapports convoqués par Pitron d'autres formules, comme "métaux critiques" ou "métaux critiques pour la transition énergétique".

L'auteur délimite les principales caractéristiques de ce qu'il appelle "métaux rares" :

Comme on le verra pas la suite, l’extraction et le raffinage de métaux rares sont principalement concentrés dans quelques pays dits "émergents". Pourtant, ce n'est pas parce qu’ils bénéficieraient de réserves supérieures : les gisements sont répartis un peu partout sur la planète. Entre 1965 et 1985, les États-Unis ont même été leader mondial dans leur production. Pitron explique en partie ce retournement par les législations environnementales plus exigeantes des États occidentaux, qui auraient poussé les entreprises minières à s’implanter dans d'autres pays.

Limites matérielles à la transition énergétique

Le point fort du livre à mon sens, c'est d'objectiver l'augmentation colossale de la production de métaux que demanderait une transition énergétique à l'échelle mondiale. Il montre que même sur le plan purement technique, celle-ci est quasiment impossible.

Ainsi dans les prochaines années, la demande de nombreux métaux rares devrait accélérer dans des proportions jamais vues auparavant :

Les études prédisent que, à l’horizon 2035, la demande de germanium va doubler, celle du dyprosium et du tantale quadrupler, et celle du palladium quintupler. Le marché du scandium pourrait être multiplié par neuf, et celui du cobalt par… vingt-quatre. (p.53)

Pour pallier cette accélération rien que pour les terres rares (un sous-groupe des métaux rares), il faudrait ouvrir chaque année une nouvelle mine. Or, les recherches et travaux préalables à l'ouverture d'une mine durent entre 15 et 25 ans, ce qui signifie qu'il aurait fallu amorcer ce changement il y a des décennies.

Plus généralement, pour passer à 100% d’énergies renouvelables, l’extraction de métal devrait doubler tous les 15 ans. Il faudrait ainsi produire dans les 30 prochaines années plus de métal que l’humanité ne l’a fait depuis 70·000 ans. Or, même sans cette accélération, les réserves rentables pour 8 métaux seront épuisées d'ici 15 ans (voir le diagramme ci-dessous). Et en la prenant en compte, c'est une vingtaine de métaux qui ne seront plus disponibles, dont le cuivre, métal absolument fondamental pour tout ce qui fonctionne avec de l'électricité.

Durée de vie des réserves rentables par métal. Source : l'Usine nouvelle 2017

On peut d'ailleurs tirer de ce diagramme un fait intéressant du point de vue de l'avenir de la mine en France : les réserves mondiales de lithium ne seront probablement pas épuisées avant des centaines d'années. Ainsi, on parle beaucoup de ce métal parce qu'il donne son nom à des batteries, mais c'est probablement celui qui posera le moins de problèmes d'approvisionnement. Il serait donc intéressant de comprendre ce qui a poussé le gouvernement Macron à le privilégier à l'antimoine ou l'étain par exemple, qui devraient manquer à partir de 2030 et pour lesquels la France dispose de plusieurs sites à potentiel minier élevé.

Potentiel minier de la France métropolitaine. Source : Bureau de Recherches Géologiques et Minières 2022

Enfin, il est très peu probable que le recyclage des métaux rares devienne rentable à l’avenir, parce qu'ils sont utilisés en toutes petites quantités, parmi beaucoup d’autres métaux et matériaux, parfois dans des alliages. Les processus pour séparer tous ces matériaux sont extrêmement complexes, polluants et demandent bien trop d'énergie.

Pitron donne ainsi de solides arguments pour démonter l'idée que l'on pourrait transformer les systèmes énergétiques à l'échelle mondiale sans rien changer par ailleurs (même s'il ne soutient pas explicitement cette thèse, j'y reviendrai). Quoiqu'il arrive, la production d'énergie et de matériel électronique vont diminuer drastiquement, que ce soit par des politiques de sobriété ou par le coût croissant des métaux et leur rareté.

Dommages environnementaux et sanitaires

L'auteur montre également que même si l'on parvenait à bannir complètement les énergies fossiles, il n'est pas certain que les conditions de la vie sur Terre soient beaucoup plus favorables.

Il souligne que pour séparer les proportions infimes de métaux rares contenues dans la roche, il faut utiliser d’énormes quantités d’énergie et d’eau. Chaque tonne de terres rares demande 200 mètres cube d’eau, qui est dès lors polluée et que les entreprises rejettent pour la plupart sans traitement. Il donne plusieurs exemple de très graves atteintes à l'environnement et à la santé publique en Chine par l'empoisonnement des cours d'eau, ou à cause de la radioactivité de certains déchets.

De plus, les gisements riches et facilement accessibles étant progressivement épuisés, les entreprises exploitent des gisements de plus en plus pauvres en minerai, ce qui requiert donc plus d'énergie. L'extraction minière demande déjà entre 7 et 8% de l’énergie mondiale (pour 0.02% de la production minière annuelle, rappelons-le) et celle nécessaire pour extraire le cuivre a augmenté de 50% entre 2001 et 2010. Comme l'énergie restera très carbonée pendant encore longtemps, on peut s'attendre à ce qu'une transition contribue significativement à l'effet de serre. Ces rejets de CO2 seront d'autant plus importants que les infrastructures d'énergies renouvelables demandent beaucoup plus de matériaux que les centrales fossiles :

“À capacité [de production électrique] équivalente, les infrastructures […] éoliennes nécessitent jusqu’à quinze fois davantage de béton, quatre-vingt-dix fois plus d’aluminium et cinquante fois plus de fer, de cuivre et de verre” que les installations utilisant des combustibles traditionnels

Enfin, Pitron démonte également l'idée qu'il serait possible de respecter les limites planétaires en conservant les mêmes modes de transport. Il avance que même si l’électricité utilisée par une voiture électrique était entièrement décarbonée, elle pourrait rejeter autant ou plus de CO2 qu'une voiture thermique sur l’intégralité de son cycle de vie. C’est en particulier dû à l’augmentation de l’autonomie des batteries, dont l’usinage est responsable d’une grande partie des émissions.

Risques d'approvisionnement liés aux conflits géopolitiques

En dernier lieu, la plus grosse partie du livre est dédiée à alerter de la prépondérance que la Chine a acquise sur les marchés des métaux rares et des technologies "vertes". Ainsi à l’exception d’une dizaine de pays dans le monde qui ont une production très conséquente sur un ou deux métaux, la Chine est en situation de quasi-monopole sur les métaux rares.

Pays représentant la plus grande part d’approvisionnement mondial de matières premières critiques. Source : Deloitte Sustainability et al. 2017

Ces fortes asymétries accroissent les tensions sur l'approvisionnement. À partir de 2010, l’État chinois a commencé à déclarer régulièrement des embargos sur des métaux rares pour peser dans des conflits géopolitiques. C’est notamment le cas dans celui qui l’oppose à l'État japonais pour la possession des Îles Senkaku, qui abritent d’importantes réserves d’hydrocarbures. Pitron explique que ces embargos pourraient être amenés à se pérenniser : la consommation de métaux rares sur le territoire augmente rapidement et pourrait dépasser la production chinoise. L'État chinois tente donc déjà de s’assurer le contrôle d’autres sites dans le monde.

D’autres pays miniers, comme l’Indonésie, l’Inde, l’Argentine et l’Afrique du Sud ont également déjà eu recours à des embargos sur des métaux. Plus généralement, l’OCDE note une explosion de ces mesures protectionnistes dans les 10 années qui ont précédé la publication du livre.

Ainsi, non seulement il n'y aura probablement pas suffisamment de métaux pour une transition énergétique capitaliste, mais leur répartition entre pays fait déjà l'objet de conflits de plus en plus intenses. Que l'on soit convaincu·e par les positions de l'auteur ou non, aucun projet politique sérieux ne peut faire l'impasse sur une diminution de la production d'énergie et de matériel électronique.

Problèmes du livre

Méconnaissance de l'écologie politique

Ce livre n'est pas qu'un recueil de chiffres et de graphiques utiles : Pitron s'adresse à un public et veut le convaincre que ce qu'il écrit est vital au vu des enjeux contemporains. Il articule donc un propos politique, en choisissant de s'ancrer principalement dans les débats sur la transition énergétique. Il met en avant une contradiction : les énergies renouvelables devraient nous permettre de construire un monde "plus vert", mais les mines où l'on extrait leurs métaux sont "sales". Le début et la fin du livre ont ainsi pour fonction de rattacher l'énorme quantité de connaissances techniques qu'il a accumulées à cet enjeu politique de premier plan. Mais assez vite, on se rend compte qu'il n'a absolument pas les moyens de s'inscrire dans ces débats, tout simplement parce qu'il n'y connaît pas grand-chose à l'écologie politique.

Pitron choisit de se présenter comme lanceur d'alerte à propos de la "transition énergétique et numérique". Il a donc besoin de construire l'image d'un consensus global sur les questions écologiques, basé sur l'ignorance de la matérialité de la transition énergétique, qu'il viendrait ébranler avec son investigation. Il avance donc que tous·tes les acteur·rices de la société désirent une transition énergétique et qu'iels ont tous·tes le même projet :

c'est un projet qui unit le monde comme jamais les empires, les religions et les monnaies n'étaient parvenues à le faire jusqu'alors (p.29).

Pitron évoque comme preuve la signature de l'accord de Paris en 2015, et le fait que :

les responsables politiques, les entrepreneurs de la Silicon Valley, les théoriciens de la Sobriété heureuse, le pape François et les associations écologistes appellent d'une seule voix à accomplir ce dessein (p.28)

Dans l'absolu, je pense qu'il vaudrait mieux renoncer à utiliser une catégorie aussi large qu'"associations écologistes" : qu'y a-t-il de commun entre le Shift project et Ende Gelände ? Mais même si leurs projets de société pouvaient être amalgamés ainsi, il ne faut pas être politologue pour savoir que ces associations défendent des futurs énergétiques radicalement différents de ceux des "entrepreneurs de la Silicon Valley". Et ces futurs engagent des quantités tout aussi différentes de métaux rares, en fonction notamment de la confiance de leurs promoteur·rices dans le progrès technique, de leurs préférences pour différentes sources et modes de transmission de l'énergie.

Malgré les énormes problèmes posés par cette catégorie, la référence aux "écologistes" est récurrente dans le livre. À de nombreuses reprises, il les présente comme une mouvance, qui serait unanimement pour le développement massif et rapide des énergies renouvelables "en ignorant (ou feignant d'ignorer) les volumes colossaux de métaux mobilisés pour cette aventure technologique" (p.16). Cette bouillie idéologique est aggravée par le fait qu'il entend critiquer dans le même mouvement la "transition numérique". Il se moque ainsi (à juste titre) des délires technosolutionnistes de la Silicon Valley et de Jeremy Rifkin, mais attribue aussi aux "écologistes" la croyance infaillible dans la nécessité et la durabilité du numérique. Il balaye ainsi d'un revers de main toute la pensée technocritique, particulièrement active en France depuis les années 1970, le mouvement low-tech, les travaux des économistes de la décroissance et surtout les luttes contre les énergies renouvelables et les infrastructures numériques en France et dans le monde.

À deux reprises, il évoque toutefois des conflits d'aménagement liés à la transition énergétique : ceux qui ont eu lieu en Chine (p.193) et ceux qui pourraient avoir lieu si des mines étaient réouvertes en France (p.252). Les lignes consacrées aux conflits français sont très lacunaires, et marquent un mépris profond pour ce que Pitron semble voir comme une phobie irrationnelle de l'aménagement. Il est loin d'imaginer que les militant·es pourraient avoir un projet de société alternatif (comme le montre Vacher 2021) et que le blocage systématique des grands projets s'inscrit dans des stratégies. Comme beaucoup de ces militant·es, je considère que toute victoire contre l'accélération de l'extraction et de la production est bonne à prendre, en attendant que commence sérieusement le démantèlement des infrastructures nuisibles. Je peux toutefois comprendre ce passage, parce qu'en 2018 le mouvement français des luttes locales n'était pas aussi structuré et ses contre-discours n'étaient pas aussi audibles. Mais ce qui est incompréhensible, c'est de décrire les 30·000 à 50·000 manifestations annuelles contre la pollution en Chine comme des "agitations populaires" issues d'"un mouvement bourgeois qui s'inscrit dans la tendance mondiale baptisée 'NIMBY'". Ne connaissant pas les luttes chinoises, je ne peux pas argumenter sur ce terrain-là. Mais a priori, ce ne sont pas les bourgeois·es qui possèdent les mines de métaux rares et les usines d'électronique qui participent à ces manifestations. Elle ne rassemblent d'ailleurs probablement pas beaucoup de bourgeois·es en général, puisqu'iels n'habitent certainement pas à côté de ces infrastructures. Cela témoigne d'une ignorance (peut-être volontaire) des rapports de classe, sur laquelle je reviendrai plus tard.

Enfin, pour construire son image de lanceur d'alerte, il lui faut également faire croire que cette transition énergétique est en passe de se réaliser. Mais encore aujourd'hui celle-ci semble à peine avoir commencé : en France, pourtant pays du nucléaire, 60% de l'énergie utilisée en 2021 était toujours issue de sources fossiles (Veyrenc et Houguenavel 2021). De fait, le livre ne contient pas d'évaluation du degré d'avancement de la dite transition. En fait, Pitron mentionne des limites matérielles extrêmement contraignantes au développement des énergies renouvelables, mais ne développe que très peu sur les conséquence pour la faisabilité d'une transition. Une des seules fois où il se prononce tient dans les premières lignes du premier chapitre. Il y explique que "les hommes" ont déjà accompli 2 transitions énergétiques : du bois au charbon, et du charbon au pétrole (p.27). Si l'on suit l'auteur, on devrait donc pouvoir faire la même chose avec les éoliennes et les panneaux solaires. Mais tout dans ce passage est faux. Premièrement, quiconque s'est un peu intéressé à l'idée de transition énergétique sait que les sources d'énergie ne se sont pas substituées mais accumulées : on n'a jamais connu de transition énergétique (Bonneuil et Fressoz 2013, Fressoz 2023), du moins pas pour ces énergies, et pas à l'échelle mondiale. Deuxièmement, ce ne sont pas "les hommes", mais un très petit nombre de capitalistes occidentaux qui sont responsables de l'explosion de l'usage des énergies fossiles pour leur propre profit (Malm 2018).

Pour résumer, Pitron tente de s'insérer dans un débat public qu'il ne maîtrise absolument pas, sur la base de confusions grossières et d'erreurs factuelles. Mais on pourrait être indulgent·es et considérer qu'il ne s'agit pas là du coeur de l'argumentaire, qui porte avant tout sur la géopolitique des métaux rares. Qu'à cela ne tienne, on va voir que s'il est calé côté métaux rares, son propos politique est encore plus indigent.

Impuissance politique : croissancisme, capitalisme et individualisme

Le livre entend mettre en garde sur les difficultés d'approvisionnement et les dégâts écologiques causés par l'extraction des métaux rares. Pourtant, on peine à comprendre ce que l'on serait censé faire pour éviter ces risques, et qui serait ce "on". Pitron n'y consacre que quelques lignes vers la fin, et lui-même semble à moitié convaincu de ses propositions. J'essaie de montrer ici que c'est parce qu'il est incapable de penser hors de la croissance, du capitalisme et de l'action individuelle que le livre présente une telle impasse politique.

Comment donc sortir des énergies fossiles et développer les énergies renouvelables, tout en conservant une croissance économique permettant de maintenir un niveau de vie élevé, sans faire de notre environnement un champ de ruines à cause de l'activité minière ? L'équation semble insoluble, et de fait elle l'est : il est impossible de découpler d'un côté le PIB mondial, et de l'autre l'empreinte carbone et matière de l'humanité (voir à ce sujet la première partie de Parrique 2019 ; Barth et al. 2019). Il faudrait qu'une des 3 variables saute, ou que l'équation soit formulée différemment, mais Pitron semble décidé à préserver la croissance à tout prix.

Il évacue à 2 reprises l'idée de décroissance :

Faut-il faire le choix de la décroissance ? Nos sociétés, dont les équilibres reposent sur la hausse constante du PIB, ne sont pas préparées à des options aussi radicales. (p.20)

Sans vouloir faire rimer sobriété avec décroissance, la meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas. (p.271)

Il précise aussi se garder de "tout propos anticapitaliste" et utilise à plusieurs reprises l'expression "croissance verte", que je croyais réservée aux ministres du gouvernement Macron. De plus, il semble incapable de remettre en question la croissance comme critère de réussite des pays. En effet, Pitron déplore tout au long du livre le passage d'une partie de la croissance économique européenne et étasunienne vers la Chine, en présentant notamment les stratégies de "remontée de filière" de ses industries. Au moins 5 chapitres sur 9 sont dédiés à la description de la puissance économique de la Chine et à ce qu'il semble vivre comme des spoliations successives de l'Occident :

Autrement dit, nous avons fourni à nos adversaires l'écosystème qui leur permettait de reproduire le savoir-faire occidental, de gagner beaucoup d'argent, d'investir dans leurs propres activités de R&D (p.163)

Cette obsession pour la croissance peut se comprendre, lorsqu'on prend la mesure de son ignorance (peut-être délibérée) sur les projets de société portés par les militant·es de la décroissance. On peut ainsi lire en introduction :

Si, au plus fort de la crise des gilets jaunes, le président Macron avait annoncé, non pas une hausse, mais une baisse de 100 euros du SMIC, où serions-nous à l'heure actuelle ? Convenons néanmoins qu'il faut "de" la décroissance : la diminution de notre consommation de ressources sera en effet notamment permise par le développement des recycleurs, des réparateurs de téléphones mobiles et des sites d'autopartage. (p.20)

Il accomplit ainsi la prouesse — régulièrement reproduite par les politiques de droite — d'attribuer au mouvement décroissant une mesure exactement opposée à ce qu'il soutient : punir les pauvres, plutôt que de redistribuer l'argent des riches pour endiguer leur empreinte écologique indécente (Malm 2018, p.60) et permettre à tous·tes de produire moins.

La proposition la plus concrète du livre, c'est un renouveau minier en France, qui permettrait de faire concurrence à la Chine. Cette nouvelle proximité avec les mines serait censée faire revenir à la raison les français·es sur les impacts de la transition énergétique, et les inciter à demander des règlementations minières exigeantes (p.254). Iels pourraient rester "modernes, connectés et écolos", moyennant la dépense de "quelques dizaines d'euros supplémentaires pour des téléphones un peu plus propres". Ce passage est d'une étonnante naïveté : oui il est inadmissible de faire porter le poids de modes de vie trop luxueux à des territoires moins favorisés, mais pour respecter les limites planétaires, il faudra que les riches renoncent à bien plus que quelques dizaines d'euros. À mon sens, ce passage explicite un motif présent dans tout le livre : Pitron semble beaucoup moins intéressé par l'environnement que par le maintien de la domination économique occidentale (et celle de la bourgeoisie, j'y reviendrai). Cela se voit aussi dans le déroulement de sa proposition : d'abord la sécurisation des approvisionnements et le retour des emplois, ensuite les revendications environnementales.

Pitron veut ainsi croire à la possibilité d'une "mine responsable" sous le capitalisme, et cite d'ailleurs l'initiative du même nom lancée par l'État français. Celle-ci a été quittée en 2015 par les ingénieur·es de l'association Systext, qui dénoncent la pauvreté de la prise en compte des problématiques sociales et environnementales (Systext 2020). C'était 3 ans avant la publication du livre, et au vu de leur expertise reconnue sur les enjeux miniers, l'auteur ne peut pas être passé à côté. En 2023, Systext a d'ailleurs publié une méta-analyse très conséquente, dont la conclusion est essentiellement qu'il n'existe toujours pas de mine qui puisse être qualifiée de "durable" ou de "responsable" (Systext 2023). Cela n'a rien d'étonnant : les patron·nes des entreprises minières n'ont aucun intérêt à ce que des règlementations contraignantes soient mises en place — Pitron le dit lui-même à propos des mines chinoises — et font donc tout leur possible pour les entraver ou les contourner, que ce soit à travers du lobbying, de la désinformation ou des pratiques illégales. Et il est bien sûr impossible d'envisager mettre fin rapidement à cette situation lorsqu'on pose la propriété privée de la terre et des moyens de production comme horizons indépassables.

Dans ces conditions, on comprend qu'il soit difficile de formuler un avenir désirable pour tous·tes. C'est le grand drame de ce livre : avoir toutes les données en main pour comprendre l'incompatibilité fondamentale du capitalisme (qu'il soit fossile ou vert) et de la croissance avec les limites planétaires et le bien-être humain, mais refuser d'envisager une sortie (pour une discussion générale du rapport entre capitalisme et justice sociale et environnementale, voir Bell 2015 ; Sullivan et Hickel 2023).

Enfin, l'impuissance politique dans laquelle nous plonge ce livre réside aussi dans les moyens d'action qui sont suggérés. En premier lieu, il peut se lire comme un plaidoyer adressé aux élu·es, patron·nes et actionnaires. Il retrace ainsi les choix qui ont mis les pays occidentaux dans une situation de dépendance aux industries chinoises, et met en scène les regrets des personnes qui y ont participé (ingénieur·es de chez Rhône-Poulenc par exemple). Pas de doute que ces arguments ont déjà fait leur chemin jusqu'aux oreilles des dirigeant·es, puisqu'ils vont dans le sens de leurs intérêts économiques et politiques. Il suffit de lire le plan d'investissement France 2030, doté de 54 milliards d'euros, dont les 6 objectifs sont :

  • sécuriser l’accès aux matières premières,
  • sécuriser l’accès aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes,
  • développer les talents en construisant les formations de demain
  • maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres,
  • s’appuyer sur l’excellence de nos écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation,
  • accélérer l’émergence, l’industrialisation et la croissance des startups.

Mais ce genre de plaidoyer n'a pas dû être aussi efficace pour l'écologie et la santé environnementale. Quand on voit par exemple la manière dont l'État continue de nier les énormes problèmes de santé publique causés par la zone industrielle de Fos-sur-mer (Allen 2022, voir aussi le podcast "Vivre et mourir à Fos-sur-Mer"), il y a toutes les raisons de penser que cela se reproduirait pour les mines. Pour ces enjeux, il cite essentiellement la consommation responsable et le vote comme moyens de transformation politique :

La révolte aurait pu venir des consommateurs. Ce sont eux qui, en achetant ou boycottant un produit, détiennent le pouvoir d'orienter un marché ou de faire évoluer ses pratiques. L'information à ce sujet ne manque pourtant pas [...] En tant qu'électeurs enfin, ils pourraient faire pression sur leurs gouvernements pour que les timides réglementations s'attaquant à l'obsolescence programmée soient durcies. Or ils n'ont rien voulu savoir, parce qu'un monde connecté est encore préférable à une planète propre. (p.119)

Avec ce passage stupéfiant de mépris, il exprime explicitement que ne trouvent grâce à ses yeux que les modes d'action individuels et inoffensifs. Tout ce qui relève de l'organisation d'un mouvement et qui pourrait sérieusement nuire aux intérêts des dominant·es n'est même pas évoqué. On retrouve ici la conviction, classique chez la bourgeoisie, que les marchés et les républiques sont des espaces de débat démocratiques, où chacun·e peut faire entendre sa voix à égalité, et qui ne peuvent ainsi qu'aboutir au meilleur choix pour tous·tes. Cette croyance est exprimée plus explicitement dans un autre passage :

Et voici accrédité le "consensus de Pékin", c'est-à-dire l'idée que le modèle de développement chinois peut servir de référence pour d'autres pays émergents. Ce consensus en met au défi un autre, celui de Washington, en vogue depuis la fin de la guerre froide et en vertu duquel croissance économique et progrès démocratique sont nécessairement corrélés. Il nous paraît dès lors pertinent d'affirmer que la guerre des métaux rares — et des emplois verts — révèle le nouveau conflit idéologique d'aujourd'hui : celui qui oppose la Chine et l'Occident à travers leurs principes d'organisation politique respectifs. (p.200)

Il serait beaucoup trop long de montrer ici en quoi les sociétés occidentales n'ont pas grand chose de démocratique. Bien sûr, leurs États sont moins autoritaires que celui de la Chine, mais ce n'est absolument pas suffisant pour que l'expression politique prévue par les institutions puisse faire advenir des transformations radicales (à propos de l'aménagement du territoire par exemple, on peut lire Berlan 2016). Lorsque la quasi-totalité des grands médias sont possédés par des milliardaires d'extrême-droite, qui peuvent faire monter rapidement un candidat comme Zemmour, on peut se questionner sur notre capacité à élire des représentant·es qui contreviendraient aux intérêts des dits milliardaires.

On peut donc conclure que Pitron, conscient des dilemnes posés par le passage d'un capitalisme fossile à un capitalisme vert, échoue à formuler un monde soutenable parce qu'il refuse de questionner les phénomènes au fondement de l'insoutenabilité : le capitalisme et la croissance. De plus, il ne donne aucun moyen pour entamer cette transformation, parce qu'il se cantonne à ceux sur lesquels les capitalistes ont le plus de contrôle. On va voir dans la partie suivante que cette impuissance politique trouve son fondement dans une vision homogène des sociétés, qui aboutit au déni des rapports de classe.

Homogénéisation des sociétés, déni des rapports de classe

Jusqu'ici, je n'avais quasiment jamais lu de texte qui se présentait comme "géopolitique". Ce livre m'a familiarisé avec ce mode de pensée très étrange, qui consiste à considérer l'intégralité des humain·es et des organisations présentes sur un territoire administré par un État comme un tout, agissant de manière coordonnée en fonction d'intérêts partagés. On peut bien sûr admettre que les États peuvent dans une certaine mesure infléchir les actions de leurs administré·es, mais poser que celleux-cis ont les mêmes intérêts et se coordonnent pour les défendre tient à la fois de la dépolitisation et du délire sociologique. Le livre est ainsi rempli d'expressions comme "la Chine", "les Chinois", "l'Occident'", "les Français", et surtout "nous", pour signifier les occidentaux·les. Quelques extraits particulièrement édifiants :

Cependant, le peuple chinois est résilient et sa soif de regagner son prestige perdu est insatiable. Après tout, entre l'an 960 et aujourd'hui, la Chine n'a-t-elle pas été la première puissance mondiale pendant près de neuf siècles ? L'empire du Milieu doit réoccuper le rang qui fut le sien — quoiqu'il en coûte (p.63)

Nous nous creusons la tête pour savoir non plus comment gérer nos marchandises à consommer, mais comment stocker nos produits déjà consommés. (p.83)

Dans les deux dernières décennies du XXème siècle, les Chinois et les Occidentaux se sont tout bonnement réparti les tâches de la future transition énergétique et numérique : les premiers se saliraient les mains pour produire les composants des green tech, tandis que les seconds, en les leur achetant, pourraient se targuer de bonnes pratiques écologiques. [...] et les Chinois, loin de se pincer le nez, ont accueilli l'initiative à bras ouverts. (p.117)

Près d'un siècle après ces premiers coups de semonce, nos comportements n'ont pas changé, bien au contraire, nous consommons toujours davantage. (p.237)

En s'exprimant invariablement comme si "nous" agissions d'un seul bloc, et devions réagir face au pouvoir grandissant du "peuple chinois", Pitron naturalise les intérêts de la bourgeoisie et des gouvernant·es. Est-ce le peuple chinois qui a décidé de se lancer dans un développement industriel effréné ? Est-ce que les centaines de millions de paysan·nes chinois·es ont choisi avec enthousiasme d'accueillir les industries extractives sur leurs terres, et de boire l'eau polluée par les industries électroniques ? Est-ce que l'intégralité des français·es décide de la manière dont sont gérées les marchandises et les déchets ? Est-ce que chaque individu décide quotidiennement de consommer toujours davantage de produits électroniques ? Est-ce que les milliards d'habitant·es des pays occidentaux et de la Chine se sont réuni·es sur un pied d'égalité pour décider qui fabriquerait et qui utiliserait les smartphones, les ordinateurs et les infrastructures d'énergies renouvelables ? Bien sûr que non : tous ces choix sont contestables et contestés, et ont été réalisés par de tout petits groupes de personnes, majoritairement en fonction de leurs propres intérêts. C'est avec ce genre de confusions que Pitron peut amalgamer intérêt général et croissance économique : si nous sommes tous·tes égaux·les et que le PIB mesure la quantité de biens et services produits, alors son augmentation accroît le confort matériel de tous·tes.

Cette illusion d'unité lui permet aussi d'avancer que, si le monde se dirige actuellement soit vers un réchauffement à +4°C, soit vers une colossale accélération de l'extractivisme, c'est uniquement parce que "nous" n'avions pas toutes les données en main pour prendre les bonnes décisions. Si les dirigeant·es sont dans le même bateau que tout le monde, comment expliquer qu'iels prennent des décisions nuisibles pour le plus grand nombre ? Il fantasme ainsi une courte fiction dans laquelle un vieux sage aurait interrompu la COP 21 pour alerter des risques d'une économie dépendante des métaux rares (p.36), ce qui aurait changé le cours des négociations. Mais quel qu'ait été le niveau de connaissance géologique des élu·es réuni·es ce jour là, il ne fait aucun doute que le monde n'aurait pas pour autant été mis sur une trajectoire plus soutenable. Pitron explique lui-même à plusieurs reprises que ses mises en garde sont une évidence pour qui travaille dans l'industrie minière. Pourtant, ces entreprises n'ont pas spontanément sécurisé leurs procédés, démantelé leurs infrastructures illégales ou tenté de ralentir le marché du numérique. Leurs dirigeant·es et actionnaires ont fait le contraire, parce qu'iels défendent leurs intérêts économiques.

Ainsi, Pitron se fait le fidèle relais des poncifs de la propagande bourgeoise. On peut comprendre pourquoi en regardant les personnes dont il sollicite la parole : en grande partie des patron·nes, des ingénieur·es et des bureaucrates, alors que seul·es 2 militant·es sont cité·es dans le livre. Il n'hésite pas à reprendre les propos de Carlos Tavares, patron de PSA, sur les voitures électriques, alors qu'il y aurait eu des milliers de personnes plus qualifiées que lui pour en parler.

Ce livre empêche donc d'emblée de penser les rapports de classe, et rend informulable tout changement qui ne prendrait pas la nation pour référentiel. Pourtant, beaucoup d'autres chemins politiques que la réouverture de mines en France peuvent être explorés une fois ces barrières abolies. On pourrait par exemple imaginer une coalition internationale des syndicats de l'énergie et des mines, afin d'imposer une sobriété énergétique aux activités les moins utiles et réserver les métaux rares au remplacement des infrastructures fossiles.

Enfin, faire ce genre de généralités empêche aussi toute réflexion fine sur les rapports de pouvoir entre organisations. La convergence mondiale de l'extraction, du raffinage et de l'exploitation des métaux rares qui s'est opérée vers la Chine dans les dernières décennies est alternativement expliquée soit comme le résultat d'une "psyché chinoise", soit comme une politique de l'État chinois. Rien n'est dit du rôle des entreprises, des associations environnementales, des lobbys, des riverain·es, des syndicats, des ONG, etc. Tout se passe comme si les 1.4 milliards d'habitant·es de la Chine étaient téléguidé·es directement par le Parti.

En conclusion, ce livre réduit la complexité des transformations économiques du monde à un jeu entre États, censés être représentatifs des intérêts de leurs administré·es. Cela permet à l'auteur d'éluder complètement les rapports de classe, les responsabilités différenciées dans les catastrophes écologiques et l'inégale répartition des profits et des dommages. Ce livre est donc à la fois un outil de propagande bourgeoise et une insulte aux sciences sociales.

Racisme et colonialisme

Comme si tout ce qui précède ne suffisait pas, le livre véhicule des idées racistes et colonialistes. De fait, l'homogénéisation des sociétés décrite dans la partie précédente revient à accuser le "peuple chinois" des méfaits de quelques-un·es. On l'a déjà vu dans le passage p.63 sur la "soif de regagner son prestige perdu", et on retrouve cette rhétorique p.189 :

Pékin en a tiré une douloureuse leçon : ne compter que sur ses propres forces. Dès lors, l'obsession de l'autosuffisance est prégnante dans la psyché chinoise.

Ce passage ne fait pas qu'effacer les rapports de classe, il définit une "psyché" qui vaudrait pour tous·tes les chinois·es. Tenter de déterminer des psychologies raciales est typique de la pensée coloniale, comme on peut le lire dans les manuels de guerre psychologique de l'armée française (voir par exemple les archives déclassifiées de la crise de Suez, au Service Historique de la Défense). Un autre trait de caractère que Pitron attribue aux Chinois·es et aux habitant·es de pays en voie de développement est qu'iels seraient des consommateur·rices avides et irresponsables, que l'Occident aurait pour tâche d'éduquer :

Et n'allons pas incriminer les seuls Chinois, Congolais ou Kazakhs ! Les Occidentaux ont directement enfanté cette situation en laissant sciemment les pays les plus irresponsables inonder le reste du monde en métaux sales. (p.99)

Aujourd'hui, les Occidentaux voudraient convertir la planète entière à la parcimonie et à la modération. Mais comment nous rendre audibles auprès de milliards d'individus qui rêvent de consommer de la viande à tous les repas, de boire du champagne et de partir se prendre en photo en famille devant la tour Eiffel ? (p.180)

Pitron a pourtant déjà montré qu'il savait que l'augmentation de l'empreinte environnementale des pays en voie de développement est dans sa quasi-totalité mise au service de la consommation en Occident (p.117, pour une argumentation plus détaillée voir Malm 2018, p.59). Il sait tout aussi bien que "les Occidentaux" n'ont toujours pas pour projet de convertir la planète à la modération, puisque "nous consommons toujours davantage" (p.237). On ne peut donc interpréter ces 2 passages indécents que comme une tentative délibérée de faire porter la responsabilité des désastres à venir aux habitant·es des pays qui ont le moins profité et vont le plus souffrir du capitalocène.

Enfin, l'auteur défend le maintien de la domination coloniale française sur les îles Wallis-et-Futuna. Il s'inquiète en effet des "vélléités irrédentistes" (indépendantistes, p.257) des rois locaux, qui priveraient la France d'énormes gisements sous-marins de terres rares. Il poursuit sa démonstration en expliquant que l'État français a le deuxième plus grand domaine maritime du monde grâce aux territoires d'Outre-mer, et conclut :

À ceux qui pleurent l'empire colonial disparu, il faut donc objecter que la République n'a jamais été aussi vaste qu'aujourd'hui. (p.261)

Pour résumer, l'auteur construit une image irresponsable et infantile des habitant·es de pays en voie de développement, pour mieux les accuser des désastres causés par le capitalisme. De plus, obsédé par le maintien de la domination économique de la France, il défend les colonies et utilise une rhétorique coloniale.

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55 - Le champ d'action, boîte GR 1 S 23, archives du Service Historique de la Défense